Bukit Lawang, ou ma reconciliation avec l'Indonesie

Publié le par Marion Bazin

[Du 20 au 26 avril]

Me revoici sur ce blog après une longue absence. He oui a Sumatra, Internet n’est pas forcement partout et souvent cher, avec une vitesse de connexion plutot lente.

Merci a tous pour vos nombreux commentaires, ca fait chaud au coeur. Je me sens mieux depuis que j’ai quitte Medan, mais je vous encourage a continuer de reagir et de me donner de vos nouvelles, c’est tres chouette de vous lire.

Depuis Medan, presque 4 heures de bus pour faire 90 km sur une route desastreuse, destination : Bukit Lawang, un petit village bordant une riviere, au nord-ouest de Medan. Apres l’etuve et la penibilite de Medan, quel bonheur de debarquer dans un petit havre de paix, ou les gens me regardent normalement, et ou la vie semble si paisible.

Pas beaucoup de touristes a Bukit Lawang ; le village a ete ravage par une inondation en 2003, et depuis, ni les touristes, ni les habitants de Medan (qui y venaient souvent pour le week-end) n’en font une destination privilegiee. Et quelle erreur !

Bukit Lawang se trouve en bordure d’une jungle profonde et magnifique, qui abrite notamment des orang-outangs, espece en voie de disparition. Le village se trouve au coeur du parc national de Gunung Leuser. Je ne le savais pas, mais l’orang-outang est originaire de Malaisie et d’Indonesie. D’ailleurs, "orang-outang" signifie "homme de la jungle" en Bahasa Indonesia (la langue officielle du pays, tres proche du Bahasa melayu, le malaisien). Il ne reste des orang-outangs qu'en Indonesie (a Sumatra et a Kalimantan, c'est-a-dire Borneo).
Dans les annees 60, ils ont ete victimes de la deforestation massive (qui persiste aujourd'hui) et sont devenus un phenomene de mode chez les riches Malais et Indonesiens qui les achetaient aux braconniers pour en faire des animaux de compagnie.
C'est pourquoi le WWF a cree a Bukit Lawang, en 1973, un centre de rehabilitation pour les orang-outangs. Les animaux recueillis restent la plusieurs annees, le temps de reapprendre a se nourrir seuls, puis a vivre a l’etat sauvage. Il y a environ 4000 orang-outangs dans cette reserve.

Evidemment si l’on vient a Bukit Lawang, c’est pour decouvrir la jungle et les orang-outangs qui vivent a l'etat sauvage (en dehors du centre de rehabilitation). Je suis donc partie pour un trek de 3 jours et 2 nuits, avec un super guide, un groupe de 5 Americains, une Anglaise et une Polonaise : Kasia (prononcez Kasha). Le trek etait assez fatigant (nombreuses montees et descentes pour le moins abruptes), et parfois tres technique : il fallait s’agripper aux racines et aux nombreuses lianes pour pouvoir se hisser, et bien sur en pleine foret tropicale, les sentiers sont souvent ultra glissants : derapages et glissades garantis. Et quelle chaleur humide ! Je crois que je n’ai jamais autant sue. Pendant tout le trek, on perlait tous comme des malades, meme au repos. Suer sur le dessus des bras ou les tibias par exemple est une chose que je ne croyais pas possible. Eh bien si !

Mais malgre l’effort parfois intense et la chaleur, le trek etait tout simplement magnifique. La jungle est superbe, on rencontre des animaux partout, qui se promenent sur les chemins, ou sont pendus aux arbres, la tete en bas. Femelles orang-outangs avec leurs bebes, macaques, gibbons, "Thomas leaf monkeys" (je ne connais pas leur nom en francais, mais ils le tiennent du nom de l’exporateur qui les a decouverts, et du fait qu’ils se nourrissent de feuilles, "leaf" en anglais), varans, immenses papillons aux superbes couleurs… et les sangsues bien sur, mais cette fois, elles m’ont epargnee. C’est hallucinant de croiser tout ce beau monde sur son passage, alors qu’on ne s’y attend pas. Il vaut mieux eviter de toucher les singes, on ne sait pas quelle peut etre leur reaction, mais en tout cas ils s’approchent tous assez facilement de l’homme. Certains singes sont bien sur attires par la nourriture, si bien que nous avons parfois du manger sur le pouce car les gibbons insistaient vraiment pour nous voler nos vivres. Et malheureusement pour les chasser, le guide leur donnait quelques fruits. Il ne faut pas nourrir les animaux en liberte, mais les Indonesiens – meme s’ils en sont conscients – le font quand meme. Et pourtant ils l’aiment leur jungle, et ils y sont d’autant plus attaches que la deforestation entamee il y a plusieurs dizaines d'annees ne cesse de la detruire, au profit de plantations de palmiers et d’heveas (qui permettent le developpement du commerce de l’huile de palme et du caoutchouc). L'Indonesie est en outre le 1er producteur mondial de contreplaque, ce qui explique aussi la deforestation.

Thomas (notre guide), connait la jungle comme sa poche, la faune aussi bien que la flore. Il est guide depuis 14 ans. Il a su nous la faire decouvrir avec passion, c’est un type adorable, dote d’un grand sens de l’humour. Thomas essaie de vivre de son métier pour nourrir sa famille, et meme s’il s’en sort plutot bien (c’est l’un des guides les plus reputes de Bukit Lawang), la vie n’est pas toujours facile depuis l’inondation. Il est oblige d’aller a Medan (via la route pourrie que j’ai empruntee) tous les 2 jours pour ramener des clients. Il part le matin a 5 heures et revient en fin de journee, pas toujours heureux. Moi je l’ai rencontre dans le bus, un peu avant d’arriver a Bukit Lawang. Comme la majorite des Indonesiens, il m’a accostee, mais d’une maniere tres douce et avec beaucoup d’humour. Au debut j’ai un peu doute, car on ne sait jamais sur qui on tombe, mais il m’a ensuite accompagnee jusqu’a ma guesthouse (en portant mon sac) et il a su me convaincre, en me montrant son album photos et son livre d’or. Parfois, il faut savoir faire confiance, sinon on peut passer a cote de pas mal de choses. Et mon intuition a ete bonne, Thomas a trouve 7 autres personnes et on est tous partis ensemble, le sourire aux levres.

Thomas est d’origne Batak (une des nombreuses minorites d’Indonesie) ; il est par consequent chretien et porte un nom chretien. Pour rappel l’Indonesie est un pays majoritairement musulman.

Thomas etait accompagne de 2 autres guides pour nous encadrer, et le soir venu, nous retrouvions 2 accompagnateurs supplementaires, charges de dresser le camp et de cuisiner. C’est epoustouflant de voir leur organisation, et tout ce qu’ils peuvent porter dans leurs sacs. Pendant la marche, on faisait regulierement des pauses, après les montees difficiles, et la c’etait distribution de bananes, fruits de la passion, ananas. Pour les repas, riz sauté et oeufs le midi - a manger avec les mains - ou soupe de nouilles, et une quantite impressionante de plats divers le soir (poissons frais grilles au barbecue, curry de legumes, poulet, riz, etc. le tout a profusion), et je ne vous parle pas des pancakes au petit dej. Nous Occidentaux, on aurait embarque du pain pour faire des sandwiches et eventuellement des salades dans un Tupperware. Mais eux, ils improvisent une vraie cuisine en pleine jungle, avec cuisson au wok sur feu de bois. Pour l’eau c’est tres simple : chacun part avec une bouteille d’eau minerale d’1,5 litres, et pour la suite, on prend l’eau dans la riviere et on la fait bouillir.
Pour le campement, la structure de la tente (en bois) est deja sur place, les accompagnateurs viennent juste y fixer plusieurs baches en plastique epais, et apportent les matelas de camping et les couvertures pour ceux qui n’ont ni sac de couchage ni sac a viande.

Le 1er soir, on a campe a cote d’une cascade : quelle joie de debarquer au camp en fin d’apres-midi et de se baigner dans l’eau fraiche, après toutes ces suees. Et le 2eme soir, on a dormi au bord de la riviere. Chaque soir, nos adorables guides nous ont fait participe a toutes sortes de jeux, souvent tres droles, et puis on a chante, et beaucoup ri, assis en rond sur nos matelas de camping. Pour la 2eme soiree, Kasia (la Polonaise) a decide de nous apprendre un jeu : Mafia. Au bout de quelques minutes d’explication des regles, j’ai vite compris que Mafia etait la version polonaise du Loup-Garou ! Sauf qu’il y a moins de personnages et qu’on y joue avec un traditionnel jeu de cartes. C’etait super de jouer a ca au beau milieu de la jungle, et en anglais. Les Indonesiens ont adore, ils ne voulaient plus s’arreter de jouer. Je trouve genial cet echange de culture ; une bonne dose d’humanite, toute simple et sincere, dans un décor naturel magique.

Au milieu de 3eme jour, le retour au village s’est fait en rafting sur des chambres a air : 4 grosses chambres a air munies d’un filet en leur centre, sont attachees ensemble, et sur le filet, les matelas de camping pour eviter de se raper les fesses sur les eventuels rochers. Deux personnes par chambre a air, et un guide a l’avant et un a l’arriere de l’embarcation, qui pilotent avec un grand baton. C’est tout simple, mais c’est tres marrant, et surtout reposant et rafraichissant après toute cette marche.

Jusqu’ici, Bukit Lawang est l’un des plus beaux moments de mon voyage : pour le trek en lui-meme evidemment, mais aussi pour la chaleur et le sourire des ses habitants. On a presque envie de leur dire qu’on les aime.

L’etape suivante est Brastagi, ou Kasia a choisi de m’accompagner.
La suite au prochain episode.

Continuez de m’ecrire ! Terima kasih (prononcez "trima kassi") : "merci" en indonesien.

PS : pour repondre aux interrogations diverses : oui j’ai fait une procuration pour les elections, je suis une bonne citoyenne. Ceci dit, je flippe carrement pour le resultat du 2eme tour…

PS2 : toujours pas de photos, la connexion est vraiment trop lente... Il va falloir attendre encore un peu !

Publié dans Indonésie

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
I
<br /> <br /> Salut!<br /> <br /> <br /> j'ai trouvé ton article en faisant des recherches sur le bukit lawang et ses orang-outang, et je voudrai m'y rendre cet automnne. J'ai vu que ton voyage date de 2007, du coup j'espère que tu<br /> es rentrée et que tu as une connexion internet depuis!<br /> <br /> <br /> Est-ce que par hasard tu aurais un moyen de contacter ce Thomas, vu qu'il avait l'air top comme guide... Genre téléphone local, mail...?<br /> <br /> <br /> Et combien est-ce qu'un trek comme celui que tu as fait coute (à peu prêt...?)<br /> <br /> <br /> Voilà, je te remercie d'avance et passerai le bonjour à ce Thomas si j'y vais!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Isa<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
C
Salut!Je ne sais pas si tu repasses de temps en temps sur ton blog, mais si c'est le cas, je serai ravie que tu me donnes ton avis.Je suis en Indonésie pour le boulot et je compte passer le premier de l'an à Sumatra (arrivée à Medan le jeudi 27 au soir et depart de Medan le mardi 1er au matin). Et j'hésite quant à ma destination sur place : Bukit Lawang et un trek de 3 jours ds la jungle, ou lac Toba et ses paysages magnifiques? Le dilemme est grand... sachant que c'est la saison des pluies et que j'ai peur que le trek dans la jungle ne se termine en bain de boue! Mais ça me tente beaucoup. D'ailleurs je me demandais, si on n'est que deux, est ce que les guides acceptent de nous emmener?De toute façon, je reste en Indonésie jusqu'en 2009, donc j'aurai surement l'occasion d'y retourner!Merci beaucoup de tes réponses!Cécile
Répondre
E
Coucou Pour info, le jeu "Mafia" existe aussi en France. C'est Olivier (tu sais, les 3 garçons qui sont partis en TDM) qui nous l'a fait connaitre avant le Loup-Garou. D'ailleurs, en ce moment, ils sont au Japon. Ah, j'aimerais bien être à votre place !!! J'adore l'Indonésie où en plus la langue est facile à apprendre ce qui permet de communiquer. Combien de mots as-tu appris ? A ton retour, tu auras droit à un examen de langue !!!! Bisous Estelle et Lionel
Répondre
M
Salut ma Marion,<br /> Ca y est, j'ai enfin réussi à aller sur ton blog (j'ai la DSL depuis quelques jours et Eléonore dort depuis une heure!). <br /> Quelle aventure de nouveau! C'est phantastique et émouvant à la fois de lire les épisodes de ton voyage. J'ai du mal à t'imaginer au bout du monde et pourtant ce n'est pas un roman, c'est la réalité. <br /> Je pense bien à toi et te souhaite le meilleur pour les 2,5 dernières semaines de ton voyage.<br /> Au fait, Eléonore a déjà mis la robe bleu / violette, les petits hauts et le pantalon que tu lui as offerts. Magnifique! Elle se réveille...<br /> Bisous,<br /> Deine Murielle
Répondre
L
Hello,Je lis ton journal de bord depuis ton départ et je suis avec attention ton périple. Tu as l'air d'avancer avec une grande ouverture d'esprit, je te reconnais bien là et c'est une grande chance pour ceux qui te rencontrent au cours de ton voyage.Je suis chaque fois rassuré que tu ailles bien, c'est un peu comme un feuilleton ! Et c'est l'occasion de replonger dans cette Asie que j'aime tant.Demain, le deuxième tour de scutin, ne t'inquiète pas, la vie continuera quoiqu'il arrive, comme toujours.Notre aventure Costaricienne n'est pas fini, car Laurence va rencontrer à Cannes, par le plus pur des hasards du métier, le directeur de la réserve Africaine que nous avions visité.Il cherche des gens passionnés comme lui pour l'aider.Et moi, mon futur proche est en train d'exploser, je t'en dirai plus une autre fois.Continue à nous faire rêver et surtout à nous apprendre plein de choses, et surtout porte-toi bien, bises.Guitaristiquement, LUDOVIC.
Répondre